31
Colin rentra chez lui peu avant cinq heures.
Weezy arriva une minute après lui.
— Hello, Skipper.
— Salut.
— T’as passé une bonne journée ?
— Ça a été.
— Qu’est-ce que tu as fait ?
— Pas grand-chose.
— J’aimerais que tu m’en parles. Il s’assit sur le canapé.
— Je suis allé à la bibliothèque, dit-il.
— Quelle heure était-il ?
— Ce matin, à neuf heures.
— Tu étais parti quand je me suis levée.
— Je suis allé directement à la bibliothèque.
— Et après ça ?
— Nulle part.
— Quand es-tu rentré à la maison ?
— À l’instant.
Elle fronça les sourcils.
— Tu as passé toute la journée à la bibliothèque ?
— Oui.
— Ça suffit maintenant.
— Mais si, c’est vrai.
Elle arpenta la pièce depuis son centre. Il s’étendit sur le dos sur le canapé.
— Tu m’exaspères, Colin.
— C’est la vérité. J’aime la bibliothèque.
— Je vais à nouveau t’interdire de sortir.
— Parce que je suis allé à la bibliothèque ?
— Ne la ramène pas avec moi !
Il ferma les yeux.
— À part ça, où es-tu allé ?
Il soupira.
— J’ai dans l’idée que tu veux une histoire bien juteuse.
— Je veux connaître tous les endroits où tu as été aujourd’hui.
— Bon. Je suis descendu à la plage.
— Es-tu resté à l’écart de ces jeunes, comme je te l’ai demandé ?
— Je devais rencontrer quelqu’un à la plage.
— Qui ?
— Un revendeur de drogue que je connais.
— Quoi ?
— Il deale dans son camion sur la plage.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— J’ai acheté un pot de mayonnaise rempli de pilules.
— Oh mon Dieu !
— Ensuite, j’ai ramené les pilules ici.
— Ici ? Où sont-elles ?
— Je les ai réparties par dix dans des sachets en cellophane.
— Où est-ce que tu les as cachés ?
— Je les ai emportés en ville pour les vendre au détail.
— Oh Seigneur ! Oh mon Dieu ! Qu’est-ce que t’as dans la tête ? Qu’est-ce qui te prend ?
— J’ai payé cinq mille dollars pour la came, et je l’ai revendue pour quinze mille.
— Hein ?
— Soit un bénéfice net de dix mille. Maintenant, si j’arrive à en faire autant tous les jours pendant un mois, je peux réunir suffisamment d’argent pour acheter un clipper et passer des tonnes d’opium en contrebande en provenance d’Orient.
Il ouvrit les yeux.
Elle était cramoisie.
— Mais bon Dieu, qu’est-ce qui te prend ?
— Téléphone à Mrs Larkin. Elle est probablement encore là.
— Qui est Mrs Larkin ?
— La bibliothécaire. Elle te dira où j’ai passé la journée.
Weezy le dévisagea, puis alla téléphoner dans la cuisine. Il n’arrivait pas à le croire. Elle appelait effectivement la bibliothécaire. Il se sentit humilié.
En revenant dans le living-room, elle dit : « Tu étais bien à la bibliothèque toute la journée. »
— Ouais.
— Pourquoi as-tu fait ça ?
— Parce que j’aime bien la bibliothèque.
— Je veux dire, pourquoi avoir inventé cette histoire de pilules achetées à la plage ?
— Je croyais que c’était ce que tu voulais entendre.
— Je suppose que tu trouves ça drôle.
— En quelque sorte.
— Eh bien ça ne l’est pas !
Elle s’assit dans un fauteuil.
— Toutes les conversations que j’ai eues avec toi au cours de la semaine passée – aucune d’elle ne t’est rentrée dans la tête ?
— Chaque mot, répondit-il.
— Je t’ai dit que si tu voulais qu’on te fasse confiance, il fallait que tu gagnes cette confiance. Si tu as envie d’être traité comme un adulte, tu dois te comporter en tant que tel. Tu as l’air attentif, je me permets d’espérer qu’on va arriver quelque part, et ensuite tu me fais un coup d’épate stupide comme ça. Tu te rends compte de ce que ça me fait ?
— Je pense que oui.
— Ce truc puéril, inventer cette histoire de pilules achetées sur la plage… cela me rend encore plus méfiante à ton égard.
Pendant quelques minutes, aucun d’eux ne parla.
Finalement, Colin rompit le silence : « Tu dînes à la maison ce soir ? »
— Je ne peux pas, Skipper. J’ai…
— … Un rendez-vous d’affaires.
— C’est exact. Mais je vais te préparer à manger avant de partir.
— Ce n’est pas la peine.
— Je ne veux pas que tu manges des cochonneries.
— Je me ferai un sandwich au fromage. C’est aussi bon qu’autre chose.
— Prends un verre de lait avec.
— D’accord.
— Quels sont tes projets pour ce soir ?
— Oh, je crois que je vais peut-être aller au cinéma, répondit-il, omettant volontairement de mentionner Heather.
— À quel cinéma ?
— Le Baronet.
— Qu’est-ce qu’on y joue ?
— Un film d’horreur.
— J’aimerais qu’avec le temps, tu perdes l’habitude d’aller voir ce genre de navets.
Il ne répondit pas.
— Tu ferais bien de ne pas oublier ton couvre-feu.
— Je vais à la séance de l’après-midi. Elle se termine vers huit heures, donc je serai rentré avant la nuit.
— Je vérifierai.
— Je sais.
Elle soupira et se leva. « Il faut que j’aille me doucher et me changer. (Elle partit vers le couloir, puis se retourna et le regarda de nouveau.) Si tu t’étais comporté différemment tout à l’heure, je n’aurais peut-être pas jugé utile de te contrôler. »
— Désolé, répliqua-t-il. Et, une fois seul, il ajouta : « Mon cul ! »